On ne vieillira pas ensemble

 


Le début de cette histoire se dessina lors d'une soirée anodine. La complainte du ventre, un malaise léger, et le doute s'installa.

"J'ai un peu mal au ventre...", souffla-t-il.

J'ai essayé de dédramatiser la situation : "C'est peut-être une indigestion ? Après tout, on a mangé ces lentilles au chorizo ce soir-là. Peut-être que c'est ça ?"

Un soupir. "Non, c'est un peu différent. Je crois qu'il vaudrait mieux si je consultais un médecin."

La preoccupation se dessinait sur mon visage - À tel point ? Tu sais qu'en ces temps de covid, les consultations sont surtout virtuelles."

"Les urgences fonctionnent toujours, non ? Pourtant attendre, c'est pas mon truc. L'hôpital d'Aubagne propose des rendez-vous, je vais tenter ma chance."

Et c'est ainsi que l'histoire débuta, ce soir-là. Une simple consultation a suffi pour tout chambouler. Après une semaine d'attente, on nous a convoqué à l'hôpital et le coup de masse a frappé : le cancer, en plus d'être rare, inopérable. C'était comme si la réalité avait basculé dans une dimension parallèle. La seule pensée qui a traversé mon esprit à ce moment-là : ON NE VEILLIRA PAS ENSEMBLE. L'esprit, tel un navigateur perdu en pleine tempête, lutta pour encaisser l'impact, tandis que la colère refaisait surface. Je suis sortie de la consultation avec des jambes en coton, furieuse, sidéréqe, "Qu'en savent-ils, après tout ?" Des événements s'enchaînèrent, comme les wagons d'un train fou lancé à toute vitesse, sans frein ni destination claire. Des consultations médicales, des chimiothérapies, des visites d'infirmières à domicile, des injections, plus d'injections, la morphine.

Un labyrinthe s'étalait devant nous, obscur, insondable. Tout était flou, on avançait dans le noir, sans repères. On avait l'impression que le chemin était tout tracé, comme si le grand huit venait de commencer et qu'il n'y avait pas de bouton stop. Un silence lugubre autour de l'état de santé de mon compagnon, malgré tout, donnait un lueur de l'espoir.  Lui-même voulait garder en secret sa maladie. Personne n'était au courant à part moi, le personnel médical et ma famille, qui vivait à l'étranger. La maladie le dévorait voracement et on n'y pouvait rien. Insupportable ! C'est à cet instant précis que la réalité m'a frappé de plein fouet : LA MORT, ELLE EXISTE POUR DE VRAI ! On le sait tous, on en parle, mais à ce moment-là, la mort a cessé d'être une abstraction lointaine, un concept, une intellectualisation pour devenir tangible, presque palpable.

Jamais je ne me sentais aussi seule, triste, furieuse, anéantie, j'avais très peur, peur de rester seule, mon futur tout tracé dans ma tête était en train de mourir avec lui. 


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